Recherches actuelles

LOGIQUE TOUT/PARTIE et AXIOMATISATION

Décrire puis expliquer la diversité du monde, n’a pas conduit à l’émergence d’une géographie unitaire. Certaines descriptions n’ont d’ailleurs pas l’explication pour but mais seulement l’exploration, la navigation ou l’aménagement. D’autre part, beaucoup d’explications de ce qui est observable à la surface de la Terre sont fournies par d’autres sciences de la terre, de la nature ou de l’homme. Les objectifs de description et d’explication des géographies ne sont pas intégrés. Enfin, il est illusoire de penser qu’une géographie unitaire puisse construire des descriptions et produire des explications qui ne soient pas biaisées par des croyances diverses, par l’anthropocentrisme ou par l’ethnocentrisme.

Il en résulte que le projet de dériver toutes les géographies d’un seul axiome ou d’un système d’axiomes unifié est impossible à réaliser. Ce qui est commun aux géographies n’est pas du domaine de la causalité mais de la logique de l’espace.

En revanche, la formalisation de la logique Tout/Partie permet d’envisager d’identifier des séquences déductives partielles susceptibles de faire l’objet de d’axiomatisations formulées en termes mathématiques.

Les axiomatisations qualitatives verbales ne sont pas des axiomatisations mais des formulations idéologiques.

LIEU-OBJET, DIFFERENCIATION, DIFFERENTIATION

Est spatiale toute entité formée par un lieu et un objet indissociables. Comme il n'y a pas d'objet sans lieu mais que plusieurs objets peuvent avoir une même localisation, il faut traiter du « lieu-objet » et non pas d’un lieu et d’un objet séparés.

Si l'information permet de savoir si le lieu ou l'objet sont différenciés (différenciation générale) existe-t-il une « différentiation » géographique en raison de la limite maximale de tous les ensembles de lieux-objets : la Terre ?

On peut poser qu’est géographique toute information qui différentie, soit le lieu, soit l’objet, soit le lieu et l’objet, d’une entité spatiale située ou localisée à la surface de la Terre.

Le mécanisme de différenciation - différentiation est fondamental pour comprendre comment on peut passer d'une géographie à une autre.

CELEBRATION, DISPUTATION ET ERREUR DANS LES GEOGRAPHIES

Historiquement une théorie de l’erreur n'a jamais été formulée à partir d'une des géographies.

Cette formulation a été rendue impossible par la pratique "l'auto-célébration" croisée des autorités institutionnelles académiques ou de recherches et par la promotion du "consensus" censé permettre de faire un choix « démocratique » entre des thèses en présence, scientifiques ou non.

La condition d’émergence d'une théorie de l'erreur dans les géographies est dans la pratique de la « disputation » en lieu et place de la « célébration »

PARCOURS DE RECHERCHES

Phase « praticien du concret »

Mes recherches commencent dans les années 70 du siècle précédent, par une phase très « pratique » et « technique » : « penser le monde » c’est bien, « le transformer » c’est mieux. D’autant qu’on est en pleine guerre d’Algérie et que, quand on est né en Tunisie et que l’on a passé son adolescence au Maroc, les problèmes essentiels sont d’abord et avant tout agricoles.

- "La Sociologie rurale au Maroc pendant les cinquante dernières années: évolution des thèmes de recherches", Tiers-Monde, oct.-déc. 1961, 2, 6, p. 527-543.

- "Essai de calcul de la valeur brute de la production agricole et de sa redistribution dans les tribus Chaouia-s des environs de Casablanca pendant la période du Protectorat", Bulletin Economique et Social du Maroc, 27, 96-97, 1962/63, p. 3-54.

Mais voilà, après des études supérieures en France, à la suite d’un « désaccord » avec l’État colonial français, le « praticien du concret » se retrouve en Suisse. Il garde cependant son orientation « agricole » mais travaille sur place, dans le canton de Vaud (Suisse occidentale).

Ceci étant, en bon élève de « l’école française de géographie », le « praticien du concret » est persuadé que le propre du géographe c’est de faire de la « synthèse ». Il monte donc une équipe de recherche avec un juriste, un historien, un médecin, une économiste, un psychologue et un rigolo (bien utile pendant les longues soirées d’hiver dans les campagnes vaudoises). Sous la houlette d’un Service de vulgarisation agricole le GRA (acronyme du GPRA : Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) réalise une monographie comparée de deux villages agricoles vaudois : Oppens et Orzens. C’était l’époque bénie de l’Exposition nationale suisse (1964) où il y avait des sous pour la recherche (un peu). Le résultat fut suffisamment intéressant pour que les commanditaires paient l’équipe après la fin de travail. Ils prièrent ensuite les jeunes enthousiastes de faire autre chose ou d’aller travailler ailleurs.

- "Note technique sur les comptes économiques et les comptes de patrimoine des villages d'Oppens et d'Orzens du Canton de Vaud", Revue Suisse d'EconomiePolitique et de Statistique, 4, 1963, p. 423-447.

- "Essai d'application de la méthode du coefficient d'intensité de Klatzman à l'étude régionale de l'agriculture vaudoise", Etudes rurales, 17, 1965, p. 52-67.

- "Problèmes de technique comptable agricole (avec un programme en Fortran IV de comptabilité globale sur ordinateur IBM)", Etudes rurales, 16, 1965, p.5-65.

  -  Essai de monographie comparée de deux villages du canton de Vaud : Oppens et Orzens, publié par le Groupe de recherches en anthropologie de Lausanne avec le concours du Fonds national de la recherche scientifique,    Ganguin et Laubscher, Montreux, 1965, 517 p. 6 cartes.

- "L'organizzazione dell'agricoltura svizzera", Rivista di Economia Agraria, 21, 3, 1966, p. 96-107.

- "Contribution à l'étude de la formation des prix agricoles à la production dans le canton de Vaud (1886-1920)", Revue historique vaudoise, 77, 1969, p. 173-204.

- "La carte statistique agricole: son commentaire et son utilisation dans les études régionales agraires", Etudes rurales, 43-44, 1971, p. 7-77.

- "Les origines de l'habitat dans le canton de Vaud", Revue historique vaudoise, 1972, p. 7-14.

- "L'ancienne économie agraire", in Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, 3, 1972, p. 5-11.

Ceci étant, les membres du GRA avaient posé deux questions au « praticien du concret » : c’est quoi la « synthèse » et accessoirement « c’est quoi la géographie » puisque, paraît-il, elle en fait ? D’où moult embarras pour le « technicien géographe » qui s’en sort en proposant la fabrication de « fiches de synthèse », c'est-à-dire de fiches sur lesquelles on met tout en résumé. De la « synthèse matérielle », en somme, comme quand on fabrique un produit chimique « de synthèse » en mélangeant des produits « purs ».

Cependant, après la fin du travail collectif, le « technicien géographe » se retrouve seul avec ses questions. Il cherche du travail et un passeport. Mais comme il n’a pas d’ascendant musulman, il ne peut devenir membre de droit de la nouvelle Algérie qu’il a aidée dans la mesure de ses moyens pendant la guerre. Il accepte donc l’accueil intéressé de la Suisse et il ne lui reste plus qu’à contempler au loin la rive française du Léman pendant douze ans, seul spectacle intéressant depuis Lausanne, dixit Sacha Guitry.

Phase « paysan de la science » interrogatif

Le « technicien du concret » se remet donc au travail dans les campagnes vaudoises pour essayer de trouver des réponses à deux questions.

La première réponse est que la méthode géographique française de recherche des « régions » par « synthèse » à l’aide du « plan à tiroir » ne tient pas la route. Une « région agricole » n’est pas une « région naturelle » (adieu au plan à tiroir) et les limites d’une « région agricole » sont historiquement fluctuantes mais spatialement structurées (bonjour la théorie la théorie des noyaux régionaux). C’est seulement en tenant les deux bouts de l’explication (genèse historique et structure géographique) qu’on arrive à comprendre comment une région agricole peut vagabonder autour d’un noyau, perdurer pendant des siècles tout en se transformant agronomiquement et économiquement. Mais comme la théorie des noyaux régionaux est formulée mathématiquement, elle est doublement incomprise. D’un côté les géographes traditionnels qui détestent les mathématiques (la majorité à l’époque et encore aujourd'hui) la rejettent comme « trop compliquée» et les «nouveaux géographes » qui confondent théorie géographique et théorie économique la jugent « en retard ». D’un autre côté les historiens, qui détestent encore plus les mathématiques que les géographes, demandent à l’auteur de la « théorie » de faire un condensé de cet Atlas trop complexe. En plus, non seulement l’Atlas est difficile à diffuser par la poste en raison de son format A3 et de ses cinq kilos et demi de papier, mais encore il paraît techniquement « dépassé » aux quantificateurs positivistes pour qui une approche historique n’est pas explicative mais, au mieux, « heuristique ». D’où le début du divorce entre le paysan de la science des noyaux qui ne « croit » pas à l’utilisation des statistiques autres que descriptives et les urbains de la cinquième ou sixième « nouvelle géographie » qui collent au développement technique des programmes de statistique multivariée, sans se rendre compte que l’homogénéité des résultats détruit l’hétérogénéité des données.

La deuxième réponse est que le discours géographique passe souvent de l’explicite (Carl Ritter) à l’implicite (Elisée Reclus) par le jeu de la traduction d’une langue à une autre ou de la « réinterprétation » d’un auteur à un autre. Le « technicien du concret » réinterprète donc Ritter-Reclus en formulant un « axiome chorologique » : « est géographique tout objet (au sens statistique du terme) qui différencie l’espace terrestre » avec un « lemme » qui lui attire une première fois les foudres des mathématiciens : « la Terre est pour le géographe l’ensemble de référence et la base de la différenciation spatiale ». En effet, comment considérer ce qui est initial (la Terre) comme un résultat intermédiaire utilisé au cours d’un long raisonnement qui nécessite la démonstration d’un théorème ? Où est le théorème ?

Il n’y a donc plus qu’à se remettre au travail et se contenter d’énoncer des « axiomes », propositions indémontrables à l’aide des moyens fournis par la théorie (géographique en l’occurrence).

1) Axiome chorologique : Peut être géographique tout objet (matériel ou immatériel) qui différencie l'espace terrestre.

2) Axiome de situation : Peut être géographique tout objet (matériel ou immatériel) en rapport spatial avec un objet situé (totalement ou partiellement) en un autre endroit de la surface terrestre.

3) Axiome chronologique: Peut être géographique tout objet (matériel ou immatériel) dont les rapports non exclusivement spatiaux s'accordent avec des successions observées.

- "De l'autosatisfaction à l'interrogation ou la crise de la géographie française vue par Jacqueline Beaujeu-Garnier", Etudes rurales, 51, 1973, p. 125-133.

- Atlas statistique agricole vaudois, 1806-1965Cahier de l'aménagement régional 16, Service cantonal vaudois de l'Urbanisme, Lausanne, 1974, 192 p., 130 cartes. Thèse de doctorat à l'université de Lausanne ; prix de la Société académique vaudoise, 1975.

- Préface à l’Introduction à la géographie générale comparée de Carl Ritter (traduction de Danielle NICOLAS-OBADIA), Paris, Belles-Lettres, 1974, 255 p., prix Gothiot de la Société de géographie commerciale de Paris, 1975.

- "La théorie des noyaux régionaux agricoles", L'Espace géographique, 6, 1977, p. 25-39.

- "Qu'est-ce que l'axiome chrorologique ?", L'Espace géographique, 2, 1978, p. 127-130.

- "Une nouvelle géographie francophone ?", Geographica Helvetica, 2, 1978, p. 75-79.

- L'axiomatisation de la géographie : préliminaires à une histoire de l'espace rural vaudois, thèse de doctorat d'État, Paris I Panthéon-Sorbonne, 14 décembre 1978, Atelier national des thèses, Lille III, 1983, 559 p.

Trois « axiomes » c’est beaucoup, même si on envisage (modestement) de formaliser toute la géographie, dans la tradition positiviste classique ! L’ancien « technicien du concret » a donc eu tout loisir de s’interroger au cours d’un long séjour d’enseignement à l'Université centrale du Vénézuela (Caracas) sur la nature de ces axiomes, tout en expliquant à des latinos-américains scandalisés que la « síntesis » ne peut pas être formulée à l’aide de la logique déductive classique ! Qu’il faut pour cela faire appel à une compréhension dialectique de l’axiome chorologique dans la tradition, non pas de Carl Ritter mais d’Alexandre von Humboldt, nettement mieux accepté dans le pays qu’il a exploré en y laissant un souvenir respectueux. Est-ce pour cela qu’ils lui pardonnèrent l’incongruité de ses affirmations sur la « trascendencia » de la « síntesis » et qu’ils traduisirent son livre achevé en Suisse pur le publier, avec un certain retard, il est vrai ?

- "¿ Puede la geografía ser considerada como una síntesis ?", Terra, 3, Universidad Central de Venezuela, Caracas, 1979, p. 9-13.

- L'Espace originelEratosthène, Peter Lang, Berne, 1984, 325 p.

- El espacio de los geógrafos, Universidad Central de Venezuela, Collección estudios, Caracas, 1991, 331 p.

Phase « vieux nouveau prof »

Après près de cinquante années de pérégrinations autour du monde l’installation dans une situation stable de « professeur extraordinaire » en Suisse, loin de mettre un terme aux interrogations sur ce qu’est la géographie et comment la faire comprendre aux non-géographes, fit de ce questionnement « l’ordinaire » de la recherche du nouvel « historien de la paysannerie vaudoise ». Mais voilà, il fallait aussi assurer « l’ordinaire » d’un enseignement dans une Faculté de « sciences politiques » dont l’intéressé était officiellement docteur.

Une fois de plus le salut vint de l’histoire. D’une part, la « géographie historique régionale » était la matière à enseigner dans une « Faculté des Sciences Sociales et Politiques ». D’autre part, dans l’esprit du « vieux nouveau professeur » elle permettait de mettre à l’épreuve la véracité de ses idées théoriques. L’histoire lui permettait d’effectuer le grand écart entre l’enseignement d’une matière qui ne lui semblait guère « scientifique » et une pratique de la recherche dont le projet lui paraissait réellement scientifique. D’où un mixte entre des recherches historiques empiriques et des recherches théoriques fondées sur un apprentissage intensif (tardif) de la logique et des mathématiques. Le (presque) « vieux nouveau prof » se retrouvait sur les bacs de la Fac avec ses propres étudiants.

- "Passer outre et se retrouver", in Axiomes ou principes en géographie, 1980, 213 p., Géopoint 80, Universités de Genève et de Lausanne, Groupe Dupont ; p. 47-63.

- "Paul Vidal de La Blache entre la filosofía francesa y la geografía alemana", Geocritica, 35, Universidad de Barcelona, 1981, 41 p.

- "Organisation de l'espace", (contribution à l'article) in Documents pour l'histoire du vocabulaire scientifiqueInstitut national de la langue française, 3, CNRS, 1982, p. 99-101.

- "Trois et autres Jorats", in Le Jorat d'antan, Oron, Campiche, novembre 1982, p. 51-60.

- "Les logiques spatiales lausannoises", in Histoire de Lausanne, Privat-Payot, Lausanne, Novembre 1982, p. 11-18.

- "Elisée Reclus", "Camille Vallaux", in Deux siècles de Géographie Française, choix de textes présentés par Philippe PINCHEMEL et l'équipe de recherche associée au CNRS, Epistémologie et Histoire de la Géographie, Mémoire de la Section de Géographie 13, Paris, Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 1984, p. 51-52 et p. 130-131.

- “Dialectic of the scientific inadequacy in theoretical geography and epistemology of geography", Epistemologia, 8, Tilgher-Genova (Italie), 1985, p. 261-272.

- "Identidad, diferenciación, asociación. El proceso de representación en geografía", avec Christiane AUBERT, Mélétis MICHALAKIS et Anne RADEFF,Eratosthène-Sphragide 1, 1986, p. 4-14.

- ”L'espace urbain lausannois” (une carte) et ”Histoire d'un paysage urbain” (douze cartes) in Anne RADEFF et Denise FRANCILLON, Lausanne Chronologie d'une ville, 1991, Payot, 128 p.

- ”Le Jorat vers 1700” (trois cartes) et ”Evolution et estimations : utilisation de la surface du canton de Vaud” (un graphique) in Anne RADEFF, Vie et survie des forêts du Jorat, du Moyen Age au XIXème siècleCahiers de la forêt lausannoise 6, 1991, 50 p.

La difficulté principale venait de l’impossibilité de faire comprendre aux étudiants l’« axiome chorologique » : peut être géographique tout objet (matériel ou immatériel) qui différencie l'espace terrestre. Or, si l'objet (matériel ou immatériel) différencie le lieu et l'information comment ceux-ci peuvent-ils constituer cet objet ? Le cercle logique est évident : l’objet justifie le processus et le processus constitue l’objet. L'erreur provenait du fait que ce n'est pas l'objet qui identifie la différenciation de l'information et du lieu mais l'information qui permet de savoir si le lieu ou l'objet sont différentiés. En plus, il y avait une confusion entre le lieu et la localisation. C’est un doctorant argentin qui trouva la solution en faisant remarquer qu'il n'y a pas d'objet sans lieu mais que plusieurs objets peuvent avoir une même localisation. Dès lors, si le lieu et l’objet sont indissociables, il faut traiter d’un « lieu-objet » et non pas d’un lieu et d’un objet séparés. En plus, le problème se déplaçait de la formulation d’un « axiome » vers la compréhension du mécanisme de « différenciation ».

Là aussi le rôle des étudiants fut décisif. En leur enseignant de manière détaillée comment les auteurs « classiques » de la géographie politique fonctionnaient, il apparut au fil des recherches qu’ils employaient tous la même logique spatiale en dépit de conceptions radicalement différentes de la causalité géographique en politique. Même si on ne croyait pas aux élucubrations causales des géopoliticiens on pouvait comprendre comment ils fonctionnaient logiquement. Le même fonctionnement s’observait d’ailleurs dans la période contemporaine sur une question d’actualité : l’Europe.

- Paul Vidal de La Blache, géographie et politique, avec Catherine GUANZINI, Eratosthène-Méridien 1, Lausanne, 1987, 80 p.

- Halford John Mackinder, géographie et politique, avec Catherine GUANZINI, Eratosthène-Méridien 2, Lausanne, 1988, 82 p.

- Histoire ancienne au futur, Géographie et politique, diaporama et vidéo, Lausanne, 1989, avec Catherine GUANZINI ; médiathèque de la BCU, 1015Dorigny-Lausanne ; médiathèque d'INFOGEO-CNRS, 191, rue St. Jacques, 75005 Paris ; version en anglais: Royal Geographical Society, 1 Kensington Gore, London SW7 2AR; durée : 57 minutes

- Le monde vu par le Président Saddam Hussein et l’Imam Rudollah Komeiny : géopolitique des idéologies adverses, avec Olivier PAILLET,Eratosthène-Sphragide (Géopolitique) 4, Lausanne, 1991, 90 p.

- Shigetaka Shigagéographie et politique, avec Hideki NOZAWA, Eratosthène-Méridien 3, Lausanne, 1993, 84 p.

- Géovision allemande des Europes, avec Anne-Christine WANDERS et Geoffrey PARKER, Eratosthène-Sphragide 5, Lausanne, 1995, 60p.

- "Europes : Géovisions actuelles et géopolitique", avec Geoffrey PARKER et Véronique VULLIOUD, Revue internationale de politique comparée, 1996, 3, 3, p. 713-725.

Ceci étant, une question a joué un rôle essentiel dans cette tentative de comprendre les rapports entre géographies, logiques, mathématiques et histoire, même si les résultats ont été très difficiles à divulguer. Dès l’époque antique et même avant, dans l’espace qui est devenu ensuite celui de la Confédération Suisse, des rapports difficiles et conflictuels se sont établis entre les campagnes et les agglomérations urbaines. Dans les années 80 du siècle dernier, pour la majorité des géographes, il ne faisait aucun doute : les villes exploitaient les campagnes et leurs rapports spatiaux étaient déterminés par la « centralité ». Dès lors le « vieux nouveau prof » se mit à faire des dizaines de cartes des villes vaudoises dans l’espoir de trouver une répartition spatiale « centrale » hiérarchique des très nombreux bourgs vaudois au Moyen Age.

Le début fut triomphal et donna lieu à une tournée mémorable avec un car entier de géographes invités à faire le tour de l’hexagone presque régulier de 12 km de côté : Lausanne, Cossonay, Orbe, Yverdon, Moudon, « quelque part », Lausanne. Ce qui permit à un collègue faussement bienveillant de qualifier le découvreur du presque régulier hexagone de : « Christaller de langue française » (sic). Les difficultés commencèrent ensuite avec le « quelque part » où il n’y avait pas de bourg à l’emplacement prévu par la prétendue « théorie des lieux centaux » de Walter Christaller. Une première hypothèse ad hoc résolut le problème : le bourg n’existait pas mais il apparaîtrait forcément un jour dans un futur plus christallérien. Mais les difficultés continuèrent à s’accumuler : concurrence entre bourgs pour occuper une localisation théorique, fortes différences d’effectifs de population entre hexagones et surtout concurrence entre deux configurations hexagonales en Suisse occidentale (une « centrée » sur Lausanne et l’autre « centrée » sur Genève). Au total le « système » de bourgs fonctionnait au Moyen Age (avec deux solutions) à condition de formuler la bagatelle de sept hypothèses ad hoc.

Et puis les étudiants intervinrent à nouveau. Comment leur enseigner une « théorie » qui tantôt « explique » les fonctions urbaines par la position sur les sommets ou sur les côtés d’un hexagone ou, à l’inverse, « explique » la position sur les sommets ou sur les côtés par les fonctions urbaines ? La débrouillardise déploya tous ces effets : les uns apprirent par cœur le cours pour avoir une excellente note aux examens quitte à faire silence sur les contradictions, les autres allèrent consulter leurs camarades de l’École Polytechnique Fédérale et revinrent avec des questions mathématiquement très très embarrassantes.

Le « vieux nouveau prof » décida alors de revenir au texte initial en allemand (Christaller, W. (1933). Die zentralen Orte in Süddeutschland. Eine ökonomisch-geographische Untersuchung über die Gesetzmässigkeit der Verbreitung und Entwicklung der Siedlungen mit städtischen Funktionen. Jena (1933) puis Darmstadt (1980), Wissenschaftliche Buchbibliothek) avec l’aide bienveillante et patiente de collègues bilingues, d’une logicienne et d’un mathématicien. Le résultat fut surprenant. Il n’y avait aucune démonstration mathématique de la solution géométrique de la « théorie » dans le texte ; les données étaient biaisées car les phénomènes inverses (« décentraux ») n’étaient pas pris en considération et surtout Walter Christaller considérait comme « anormaux » (sic) ses propres résultats lorsqu’ils étaient en contradiction avec sa « théorie ». En plus, le mathématicien démontrait que la prétendue solution géométrique de Walter Christaller était fausse et comble d’ironie démontrait qu’il existe une solution mais qu’elle est géométriquement triviale. En effet, il existe une infinité de figures géométriques à trois, quatre, cinq ou six côtés qui résolvent le problème posé par Walter Christaller. La figure hexagonale régulière préconisée par Walter Christaller est une des solutions possibles à condition de supprimer le problème ! Quant à la probabilité de l’observer empiriquement, elle est de un sur l’infini, c'est-à-dire zéro !

Les réactions des géographes qui faisaient autorité à l’époque et surtout celles des revues de références furent consternantes. Un des géographes les plus connus et néanmoins ami affirma que le « vieux nouveau prof » « pissait sur ce que les géographes ont adoré pendant vingt ans » (sic). Le responsable d’une section du Congrès de l’UGI à Paris en 1984, affirma benoîtement que si la solution de Walter Christaller ne couvrait pas 100 % de la surface à desservir à partir d’un « centre » mais seulement 96%, c’est que les affirmations du théoricien de la « centralité » étaient vraies dans 96% des cas (resic). Mais alors comment comprendre que les fonctionnements sont des « logiques » universelles, valables en tout lieu et en tout temps ? Est-ce que deux plus deux font quatre dans 96% des cas et autre chose dans 4% d’autres cas ? Quant au responsable de la principale revue de géographie de langue française il affirma avec autorité que la démonstration mathématique du groupe de Lausanne était fausse. La bande d’iconoclastes en attend encore la démonstration mathématique, car seule une démonstration mathématique peut prouver qu’une autre démonstration mathématique est fausse. Reste enfin le refus de publier des Annals of the Association of American Geographers : les auteurs n’ont pas compris le degré élevé d’abstraction de la théorie !

En fin de course, pour divulguer les résultats, le « vieux nouveau professeur » décida de créer une Société scientifique de droit suisse baptisée « Eratosthène » en hommage à un géographe qui comprenait la géométrie, afin de publier ses résultats de recherches dans une « petite » revue en dépit de la censure des « grandes » revues. Mais encore en 2011, la Bibliothèque nationale de France n’a pas en dépôt le texte de la revue puisque celle-ci a été publiée en Suisse et non pas en France!  Conjointement une campagne insidieuse s’est développée pour discréditer ces résultats. Premièrement, le « vieux nouveau professeur » devenu un « vieux professeur » fut accusé de « régler ses comptes » (mais qui les avaient ouverts ?). Deuxièmement, il aurait été « traumatisé » par la découverte du passé nazi de Walter Christaller alors que ses résultats avaient été obtenus et divulgués avant cette « découverte ». Troisièmement, si la théorie des lieux centraux ne se vérifiait plus dans le monde contemporain du XX-XXIe siècles, en revanche, dans le passé, son modèle restait "vrai". Or, ces affirmations négligent le fait que l’origine des recherches théoriques sur la prétendue « théorie des lieux centraux  » est une recherche sur le réseau urbain médiéval vaudois dont les résultats ont été divulgués en 1992 dans une thèse de l’université de Rouen restée inédite jusqu'à ce qu'elle soit mise en ligne sur le site cyberto.org. Or, bien que la candidate (décédée en 1993) affirme dans son texte que : « la théorie des lieux centrux n’existe pas », sa thèse était présentée comme une vérification de cette prétendue « théorie ». !

- "Le cadavre exquis de la centralité : l'adieu à l'hexagone régulier", avec Mélétis MICHALAKIS, Eratosthène-Sphragide 1, 1986, p. 38-87.

- Adam, Sylvie, 1992, La trame urbaine. Hexagone et analyse théorique des semis urbains, in Cyberato : Alter-perspectives disputables, Publications, Thèses (en ligne).

http://cyberato.pu-pm.univ-fcomte.fr/?q=publications/theses/trame-urbaine-hexagone-analyse-theorique-semis-urbains

Dégagé de la « reconnaissance par des pairs » du pays d’à côté, le toujours plus vieux professeur suisse se lance alors dans une recherche sur la manière de « dire les choses » de manière scientifiquement géographique. Il cherche à définir un langage de signes géographiques distincts du langage des signes cartographiques en se fondant sur une théorie du Tout/Partie fondée sur ses recherches historiques en géopolitique.

- "Signe géographique: chorèmes et tégéos", avec Rémi JOLIVET, Cahiers de géographie du Québec, 1991, 35, 96, p. 535-564.

- TEGEO: Mémento de terminologie, avec Anne-Christine WANDERS, Eratosthène-Méridien 4, Lausanne, 1994, 27p

- Pour un langage géographique, avec Anne-Christine WANDERS, Geoffrey PARKER et Laurence PEER, Brouillon Dupont 20Erathostène-Sphragide 6, Lausanne et Avignon 1996, 118p., 18 mappes et 17 figures.

Accessoirement, pour fournir aux étudiants des indications sur son « idéologie » il rédige une sorte de « manifeste » qui n’a strictement aucun écho mais qui le met en paix avec les étudiants et certains collègues.

- "Humanisme-Cosmisme", Cahiers de géographie du Québec, 33/90, déc. 1989, p. 379-385.

- "Les valeurs naturelles en géographie", in Analyse et maîtrise des valeurs naturellesActes du colloque trans-frontalier 1993, Besançon 1994, p. 116-17.

- Humanisme et Cosmisme, avec Jean-Paul FERRIER, Brouillon Dupont 19, 1994, Avignon, 62p.

Phase « géographe des pâturages »

Enfin affranchi de toute contrainte institutionnelle (1997), le nouvel « inactif » s’installe dans le Jura. Le nouveau « géographe des pâturages » s’interroge alors sur l’absence de « culture de l’erreur » chez les géographes de langue française et chez les géographes en général. Tout se passe comme si une théorie fausse ne pouvait pas être critiquée et dénoncée mais devait être simplement abandonnée dans un silence embarrassé. L’erreur en géographie serait soit une incongruité soit une affaire d’historien. Attitude commode qui permet de ne jamais faire son auto-évaluation scientifique et « d’aller de l’avant » en adoptant successivement toutes les théories à la mode pour faire de la géographie « à la lumière » de tous les « ismes » : marxisme, positivisme, systémisme, convivialisme, humanisme, culturalisme pour ne parler que de ceux qui ont sévi dans les dernières décennies.

Une réaction contre cette dépossession de soi et l’impuissance épistémologique se dessine heureusement actuellement. Pour y participer le « géographe des pâturages » fait son autocritique en matière de formalisation (2001). Il a également la chance de pouvoir collaborer avec un autre mathématicien pour formuler une « logique Tout/Partie » en termes techniques. Il est en train d’en faire une critique avec l’aide d’un troisième mathématicien.

- "Logique Tout / Partie", avec Solomon MARCUS, in Georges NICOLAS (éditeur responsable), Géographie(s) et langages(s), Actes du colloque IUKB et IRI 1997,Eratosthène - Sphragide 6, Sion, 1999, 349 p; p. 335-349.

- "Lógica Todo / Parte", Boletín de estudios geográficos, Universidad nacional de Cuyo, Argentina, 1999, 29, 95, p. 65-82.

- "Finite and Infinite in geography", in Cristian S. Calude and Gheorghe Paun (Eds), Finite versus Infinite, Springer, 2000 , 371 p. ; p. 231-237.

- "La logique Tout / Partie, Fondement scientifique d'un langage des géographes", in Quatrième rencontres Théo QuantPresses universitaires de Franc Comtoises, 2001, 373 p.; p. 7-17. 

Le "géographe des pâturages" continue cependant ses recherches en géopolitique.

- "La Russie-Eurasie d'après Savitsky", Cahiers de géographie du Québec, avec Patrick SERIOT, Vitali LAVROUKHIN, Véronique VULLIOUD et Laurent WENKER, 1998, 42, 115, p 67-91.

- "Marlène Laruelle : L'idéologie eurasiste russe ou comment penser l'Empire, Note bibliographique", Cahiers de géographie du Québec, 2000, 44, 122, p. 231-236.

Toujours fasciné par la prétendue « théorie des lieux centraux » il parcoure l’Europe pour continuer à dénoncer cette erreur majeure de la « nouvelle géographie ».

- "Mobilités, conjonctures et économie globale en Suisse et en Europe", avec Anne RADEFF, in Brigitte STUDER et Laurent TISSOT (publié sous la direction de), Le passé du présentMélanges offerts à André Lasserre, 1999, Payot Lausanne; p. 17-34.

- "Décentralité saint-galloise", avec Anne RADEFF, in Hans-Jörg GILOMEN, Martina STERCKEN (Hrg), Zentren. Ausstrahlung, Einzugsbereich und Anziehungskraftvon Städten und Siedlungen zwischen Rhein und Alpen, Zürich, Chronos 2001 ; p. 141-155.

- "Mappes et cartes : langage cartographique, langage géographique et connaissance ", in VILLEUROPE, Jeu de cartes, nouvelle donne. Cartographier les espaces aujourd’hui, DATAR 2002 ; p. 88-103.

-  "La décentralité comme alternative à la polycentralité", in Rémy ALLAIN , Rémy BAUDELLE, Catherine GUY , Le polycentrisme, un projet pour l'Europe, Presses Universitaires de Rennes, 2003 ; p. 29-39.

- "Walter Christaller from 'exquisite corpse' to 'corpse resuscitated’ ” S.A.P.I.EN.S, 2.2, 2009, 18 décembre 2009 : http://sapiens.revue.org/index843.html

Avec le concours sympathique et efficace des archivistes du canton de Vaud il montre que, dans les archives historiques, le lieu est toujours documenté avant le territoire.

- "Commune vaudoise, territoire, lieu et héritage archivistique", avec Vésale VAN RUYMBEKE et Vésale NICOLAS, in COLLECTIF, Panorama des archives communales vaudoises (1401-2003)Bibliothèque historique vaudoise 124, 2003 ; p. 27-58.

Enfin, il a engagé une réflexion sur l’utilisation des concepts fondamentaux de la géographie en géomatique ou en information géographique.

- "Locus-Object semantic in digital cartography", with Sébastien GADAL, in GI in Europe: Integrative, Interoperable, InteractiveJoint Research Center, European Commission, Masaryk university Brno, 2001, 768 p.; p. 574-584.

- "Locus: fourth geographical dimension of the geomap », with Sébastien GADAL, GeoInfo, 2000, 19; p. 41-45.

Mais tout ceci ne concerne plus le parcours passé que l’avenir : le lecteur peut donc se reporter aux orientations de recherche mis en oeuvre dans les dernières années.

- Alter-géographies. Fiches disputables de géographie, avec Jean-Paul FERRIER et Jean-Paul HUBERT, Publications de l'université de Provence, Aix-en Provence, 2005, 283 p

 - Centre et Hexacentre. Vol 1 : Centralité christallérienne : géométrie fausse, théorie réfutée avec Sylvie ADAM, Mélétis MICHALAKIS & Anne RADEFF (2018). Sainte-Croix, Suisse : Editions Mon Village 451 p.

PONTARLIER, janvier 2019